Fusillés pour l'exemple : les caporaux de Souain et la campagne de réhabilitation de Blanche Maupas

Abstract

Un large mouvement de repentance est remarqué dans la société française du 21e siècle. La torture en Algérie et la question de savoir si la colonisation a été positive ou négative pour les populations africaines sont deux thèmes largement débattus dans les médias français. La société française se retourne sur son passé et l analyse avec ses yeux des années 2000. L intérêt des Français pour l Histoire de leur pays est grandissant mais n est pas nécessairement celui que l on imagine. Le coeur de ce renouveau d intérêt, propre à chaque individu mais dans le cadre d un processus collectif, tourne autour de ce qu on appelle le « devoir de mémoire », autrement dit le souvenir. Les Français se passionnent désormais beaucoup plus pour l histoire locale que pour la vie de château et les guerres napoléoniennes. Cette étude traitera d un drame familial qui, à travers le combat d une femme, deviendra histoire puis mémoire. Cette tragédie est celle de millions de familles françaises pendant la Première Guerre mondiale. Les hommes qui ne revinrent jamais du front étaient légion. Dans ce cas particulier, le soldat n est pas « mort pour la France » mais « fusillé pour la France ». L armée française pratiquait une discipline de fer et usait d une répression sans faille. Cette sévérité des autorités militaires reçut l aval du pouvoir politique et fut même encouragée par ce dernier. Les officiers avaient ainsi les mains libres pour assurer l autorité aux armées. La justice militaire commis cependant quelques erreurs et certains jugements ont pu paraître quelque peu expéditifs. Le cas des quatre caporaux de Souain, incorporés au 336e régiment d infanterie de Saint-Lô (Manche), fait partie de ceux-là. Dans un second temps, nous suivront une veuve de fusillé dans son combat pour la réhabilitation de son mari. Cela équivalait à un « parcours du combattant » et la lutte politique et judicaire dura près de 20 ans. Les résurgences des affaires de fusillés seront nombreuses eu égard aux nombre d exécutions capitales (environ 600). Des représentations artistiques de l affaire de Souain ont traversé le siècle et seront étudiées. Pour finir, la commémoration infinie de ces affaires à l échelle locale dans un premier temps, puis nationalement par la suite, ne cesse de surprendre. La troisième partie traitera de ce phénomène et analysera la ritualisation de la mémoire collective. Cette veuve de fusillé, Blanche Maupas, est née dans la Manche, comme l auteur de ces lignes, et ce travail constitue ainsi une preuve supplémentaire de l intérêt grandissant des Français pour leur histoire locale.