Abstract
La politique extérieure de la France subit des changements très importants au cours des cinq premières années qui suivent la Seconde Guerre mondiale. Tout en entrant dans l’ère de la guerre froide les responsables français réalisent combien la reconstruction et la sécurité du pays dépendent de l’assistance économique et militaire des États-Unis. La politique d’indépendance des deux blocs, conçue par le général de Gaulle au lendemain de la guerre dans l’espoir de renforcer l’influence de la France en Europe, se révèle par conséquent impossible à maintenir et la France intègre le camp atlantique. Progressivement, et sous l’influence américaine, une politique de construction européenne à laquelle les Allemands sont associés se substitue à la stratégie qui cherchait à réaffirmer la position internationale de la France au détriment de l’Allemagne vaincue. Ce mémoire se propose d’expliquer cette transformation de la politique extérieure de la France. Il cherche à montrer comment la France, sous la pression des circonstances, épouse la politique de construction européenne au point que, cinq ans après la guerre, elle forme avec son ancien ennemi allemand, le moteur du processus d’intégration européenne.
Le thème du mémoire est donc le rôle important qu’a joué la France au début de ce processus d’intégration qui a bouleversé la structure économique et politique du continent européen. Il analyse les nombreuses créations européennes qui ont vu le jour au cours des premières années de l’après-guerre, tout en essayant de discerner le rôle de la France et les préoccupations qui ont déterminé l’action de ses responsables politiques. L’accent est mis sur le Conseil de l’Europe qui fut la première tentative d’une Europe politique et sur le plan Schuman qui ouvrit la voie à une Europe supranationale.
L’étude ne se borne cependant pas au rôle des responsables politiques français et aux évènements européens au niveau gouvernemental. Elle examine aussi l’attitude à l’égard de la construction européenne de l’opinion publique française et des forces politiques en présence. Une bonne partie du mémoire est également consacrée aux nombreuses initiatives privées en faveur de l’unité européenne et il en ressort que les Français y ont joué un rôle essentiel. Un élément central du mémoire est donc l’interaction, mais aussi l’opposition entre, d’une part, les mouvements d’unification européenne et leur vision idéaliste d’une Europe politiquement unie et, d’autre part, les hommes d’État et haut fonctionnaires et leur conception pragmatique d’une Europe unie par la convergence d’intérêts nationaux, notamment sur le plan économique. Le mémoire montre que les deux conceptions réaliste et idéaliste de l’Europe se sont conjuguées pendant l’effervescence pro-européenne de l’après-guerre, mais que l’engagement idéaliste en faveur de l’Europe unie s’est considérablement affaibli vers la fin de la période étudiée. Quand le pas décisif vers la supranationalité est pris, en mai 1950, avec le plan Schuman c’est donc moins le résultat d’une volonté profonde et populaire de fédérer l’Europe que d’une appréciation pragmatique d’intérêts nationaux convergents. Le mémoire montre donc qu’en dépit des fortes convictions européennes affirmées ultérieurement par des fondateurs européens français tels que Robert Schuman et Jean Monnet, le vrai idéalisme européen appartient, pour la période 1945-1950, aux Français et aux autres Européens luttant pour l’unification européenne dans des associations privées.