Abstract
Ces fruits si doux de l’arbre à pain est un exemple d’écriture postcoloniale. Un roman postcolonial s’inscrit dans sa propre logique en dehors des normes occidentales établies. Pour une tentative de définition, on pourrait le comparer à un mélange de genres littéraires auquel on ajoute des proverbes, des contes et autres énigmes propres à la culture d’un peuple donné. Le Postcolonialisme est une théorie littéraire qui revendique ce que Nzabatsinda appelle la « reterritorialisation de la langue » , un procédé qui consiste d’une part à « exploiter [tout] en les africanisant [des] ressources de la langue française, [et d’autre part] d’ élaborer […] des formes mixtes du récit où le roman, […], basé sur l’écrit, peut néanmoins véhiculer des textes africains (légendes, fables, proverbes) produits par l’esthétique de l’oral ».
Ces fruits si doux de l’arbre à pain est un roman historique, une fiction basée sur les faits réels. Tchicaya U Tam’Si parle de l’histoire son pays, le Congo-Brazzaville et à travers celle-ci, de celle de l’Afrique au sud du Sahara, de ses échecs et ses illusions des années d’indépendance. Mais il ressort de cette lecture que l’Afrique, contrairement à un type d’idées répandues, livre un combat qui est occulté. . Elle est en mouvement. On ne pourrait pas demander à un peuple qui a connu dans l’ensemble six siècles de retard par rapport à ceux qui se permettent de lui donner des leçons de les rattraper en un laps de temps alors qu’ils se battent toujours pour sortir du joug de la dépendance. Ce genre de combat n’est pas chronométré. Il est permanent et par la revalorisation de sa tradition, l’Afrique qui est multiple saura mieux faire entendre sa voix et apporter sa pierre à l’édification de l’universel.
L’universel ne sera possible que si toutes les cultures s’équivalent et se font entendre. Le monde d’aujourd’hui souffre de la hiérarchisation des cultures. Certaines cultures sont dites supérieures tandis que d’autres sont subalternes. La question qui se pose est de faire sauter le goulot qui bloque l’intégration des cultures entre elles. Nous pensons qu’il faille orienter par l’éducation la propension de l’homme à la hiérarchisation des cultures pour qu‘il soit à mesure d’appréhender la réalité humaine dans sa globalité. « […] Pour changer la réalité, il faut agir sur la langue car "la société est dans le langage" et c’est "au moyen de l’esprit que l’on voit" » .
L’avenir de l’humanité en tant que « communauté de ceux qui cherchent la vérité, la communauté des initiés virtuels […c'est-à-dire] tous les hommes dans la mesure où ils ont le désir de savoir » « est intimement lié au relativisme culturel et à l’égalité des cultures mais aussi au multiculturalisme » . Aucune culture n’est « supérieure » aux autres.
En ce qui nous concerne, cette tâche incombe à la littérature, aux belles-lettres, à l’art dans son ensemble qui est l’expression de la différence entre les hommes. C’est elle qui est appelée à éclairer l’homme, à le libérer de ses chaînes pour le faire sortir de la cave. Ainsi, il se réconciliera avec lui-même et la société en vue de l’émergence d’une culture nouvelle. Allan Bloom compare les lettres « au Marché aux puces de Paris, où, au milieu de vieux déchets et de marchandises de pacotille, on peut en découvrir un trésor qui enrichira le chercheur astucieux… » .